L'adolescence a un goût de poésie ratée.
Je m'appelle Marianne, j'ai dix-sept ans, j'ai envie de parler, même si c'est dans le vide.
J'ai decidé de faire de grandes choses dans ma vie sans rien foutre. C'est caractéristique de l'adolescence parait-il, avoir des rêves à nous en étouffer, penser que l'on est unique, que ça va arriver, parce que c'est nous, et que nous sommes quelque part au desssus, bien plus lucides et malins que vous autres.
C'est surtout caractéristique d'un mal être ancré bien profond, d'une envie de s'élever dans cette société qui bouffe nos rêves, et qui nous étouffe, caractéristique d'une génération qui s'identifie à des héroïnes de romans déglinguées, je dis héroïne, c'est bien plus courant de voir une fille se construire un monde factice pour avoir l'impression d'exister que le contraire, parce que les filles sont encore romantiques, même si c'est plus pareils, les mecs eux préfèrent vivre à travers un écran.
Une fille c'est tellement fascinant, je trouve, ça ne peut pas s'empêcher de se prendre pour une princesse, même si la princesse de l'an 2000 est défoncée, porte des rangers et cherche un prince charmant qui porte un perfecto et casse la gueule des obsédés dans le métro. Une fille c'est tellement marrant, ça vit à travers un voile, ça se crée une image par le truchement d'un roman, d'un film, d'un courant de mode. Mais c'est tellement doux et à la dérive, les filles savent encore pleurer, dieu merci, il reste au moins ça de fragile et sincère chez les adolescents..
Parfois, j'ai envie de me foutre en l'air.
De rentrer dans ce putain de mur, de m'y exploser la gueule, de m'y arracher les ongles et les dents pour passer au travers.
Mais je sais bien qu'avant d'avoir pu lui faire la plus infime faille je serai rendue à l'état de dêchet, pauvre loque tainant derrière moi mes regrets, mes "si" et mes "peut-être" pour m'en construire un monde...
Dans ce putain de mur qu'est la vie...
Peut-être est-ce la caractéristique même de l'adolescence : Se foutre en l'air. Et avec le sourire, s'il vous plait...
Il y a un mois une amie est morte, ecrasée par une voiture. Elle avait seize ans, elle rêvait, souriait, riait, pleurait, voulait faire de grandes choses. Elle n'en a pas eu le temps. Juste celui d'accéder au statut de victime.
Alors j'ai decidé que moi, j'allais m'élever avant qu'il ne soit trop tard. Car si j'ai bien une peur, c'est d'y rester avant d'avoir pu commencer à me battre...
